Pourquoi faire un tour dans ce petit village de Anza
qui n’apparaît pas sur notre carte ?
C’est un contact reçu de Dadi, un ami belge d’origine marocaine, et de son beau-frère Rachid : un numéro de téléphone, un nom, Ahmed S, et un commentaire « proche de Marrakech ». Un premier coup de fil avec Ahmed se termine en queue de poisson, il parle quelques mots de français… pas facile dans ces conditions d’avancer. Deux heures plus tard, appel d’une dame en anglais, là nous faisons des bonds en avant mais sans bien comprendre où nous allons tomber. Troisième coup de fil avec Jamila qui parle français, l’institutrice de Anza, qui fait partie du projet de Ahmed. Là, nous ne comprenons pas encore grand-chose, mais nous décidons de faire le détour avant de rejoindre Marrakech.
Pendant la soirée de dimanche, Ahmed apparaît à Aït-Ourir chez Jamila, pour régler les modalités pratiques de notre passage à Anza. La communication reste difficile, malgré Jamila qui fait son possible pour nous aider à communiquer. Et nous prenons des décisions, sans vraiment savoir, faisant confiance à notre étoile et à Dadi.
Ce lundi 30 janvier au matin,
nous nous réveillons à Aït-Ourir sans électricité, des ouvriers sont occupés à remplacer les câbles aux façades des maisons de la rue. Cela ne nous empêche pas de partager un excellent déjeuner, très joyeux avec Hafida, Hazna, Mohammed, la mère, le cousin, mais sans Jamila déjà partie pour Anza nous préparer le terrain. Le déjeuner dure car nous sommes bien. Nous ne partons pas en avance. Petit arrêt au marché où Anne voit un panneau « Dentiste ». Elle y entraîne Jérôme pour enlever sa dent supplémentaire, une de ses incisives inférieures pousse et la dent de lait ne tombe pas… L’assistante promet un passage dans le 1/4H. Après 1H1/2, je rassemble les troupes, le petit jeu a assez duré ! Ce temps a tout de même été mis à profit pour les carnets de bord et de petits achats…
Nous prenons enfin la route de Anza, où nous devrions déjà nous trouver… mais 20km nous en séparent encore ! Nous prenons la route qui va droit sur le mont Toubkal que, heureusement, nous ne devrons pas gravir (4167m d’altitude tout de même !), juste admirer. La route est très belle, les indications de Jamila parfaites, et nous montons, montons, montons… Nous nous arrêtons souvent, poussons de temps en temps nos vélos, fortement encouragés par ceux que nous croisons, visiblement impressionnés de nous voir faire cette route à coups de pédales ! Nous sommes contents d’arriver enfin au pied de la piste en terre qui doit nous mener au village, à partir de là il ne reste que deux kilomètres. A l’arrivée, nous sommes à 1300 m d’altitude, RECORD BATTU ! Ce sera le point culminant de notre voyage atteint à vélo. Nous n’avons « que » 2H30 de retard, mais le spectacle nous fait oublier la dent que nous avions contre l’assistante de la dentiste…
Nous découvrons la maison de l’association qui nous hébergera 3 nuits. C’est un chantier qui comprend une pièce finie où nous dormirons, un bloc sanitaire et une cuisine. Le reste est en construction. Tout le bâtiment s’articule autour d’une immense terrasse qui défie le mont Toubkal, le plus haut sommet du Maroc. C’est MA-GNI-FI-QUE ! Nous sommes accueillis par Jamila et Samira qui sera notre cordon bleu. Samira sera aidée de temps à autres par Mariam, fille d’Ahmed.
Un excellent tajine de poulet nous attend.
Après le repas nous partons à l’école de Jamila qui est de l’autre côté du village. Très vite la procession des enfants se formera derrière nous, le « tam-tam » fonctionne à merveille, et la classe sera pleine malgré les vacances ! C’est une classe de maternelle. Les enfants s’installent calmement à leur banc. Certaines filles portent sur leur dos un petit frère ou petite sœur. Emmanuel leur fait beaucoup d’effets et en joue. Ils chanteront et nous aussi. Nous passons dans les bancs pour de petites animations. Jamila nous propose de laisser une trace de notre passage sur les murs, nous dessinerons deux vélos et signerons. C’est un très beau moment.
De retour à la maison, c’est au tour de nos enfants de faire leur heure d’école. Les enfants de Ahmed et Yacoub, le frère de Jamila, forment une bande qui va faire merveille avec nos enfants, enchaînant les jeux de ballons et des jeux de mains musicaux jusqu’au souper.
Le lendemain, mardi 31 janvier,
Anne passe la matinée en cuisine avec Jamila et Samira pour apprendre les bonnes recettes de cette cuisine marocaine qui réjouit si souvent nos papilles. Elle commence par les « crêpes » du déjeuner. C’est également l’occasion de beaucoup discuter et d’apprendre que Jamila, à 7 ans, savait déjà cuisiner pain, couscous, crêpes, tajine,…
Nous déjeunerons à 10H30 ! Devant nous une montagne de crêpes (64 !) qui cache presque le mont Toubkal, il n’en restera quasi plus. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Tous les repas se prennent au soleil, sur la terrasse, face à la montagne… impossible de ne pas penser à la terrasse de Cornillac…
Pendant ce temps de préparations culinaires: jeux, Sudoku, carnets de bord et école (2H pour le prix d’une)… La deuxième heure est pénible…
Après le tajine préparé par Anne, qui a permis à ses professeurs de découvrir le « pelle-vite », Jamila nous propose d’assister à un cours d’alphabétisation des jeunes filles cette fois. En fait, c’est Anne qui s’improvisera instit ! Elles sont une vingtaine dont Samira, avec leur livre et cahier. Anne leur parle de notre famille, de notre voyage, de la Belgique et de la cuisine… Jamila traduit de temps en temps. Deux heures sont rapidement passées ! Les jeunes filles terminent par quelques chansons en français. Elles invitent l’instit de passage chez elles, mais elle décline, trop fatiguée. Elles cherchent également à acheter Jérôme, mais le prix sera trop élevé ;o)
Ce soir, Anne invite Ahmed et sa famille à partager notre repas. Les enfants se donnent en spectacle… négatif, ne laissant pas de place pour la famille accueillie. Nous étions treize à table… Emmanuel vit mal la situation.
Mercredi, le 1er février,
nous partons faire une grande balade vers le sommet qui surplombe le village. Jamila sera notre guide, son frère et le fils de Ahmed nous accompagnent. Nous montons à partir du village, sous un ciel légèrement couvert, à travers les oliviers jusqu’au sommet. Le sommet est en fait un plateau en pente, ceinturé par une muraille en ruine, faite de pierre et de chaux, vieille de plus de 1000 ans. Les paysages sont superbes et très variés au fur et à mesure que nous en faisons le tour. Particularité, un village en contrebas exploite une source salée pour produire du sel, nous laissant voir bassins d’évaporation et tas blancs de sel.
De retour à la maison, un couscous « monstrueux » est servi (la cuisine marocaine est définitivement irrésistible et laissera des traces… nous reprenons la place gagnée dans nos pantalons… snif). Après-midi ludique avec jeux de balles et activités « scoutes » entre jeunes. Même Emmanuel se laissera entraîner dans des jeux.
Nouvelle activité culinaire, Anne apprend une recette de gâteau (au Maroc, il y a souvent 4 repas pour ceux qui peuvent se le permettre : petit déjeuner, dîner 13H, goûter 17H et souper 21H). L’odeur porte manifestement bien dans le village, nous n’avons jamais eu autant de visite que le jour de ce gâteau !
C’est notre dernière soirée à Anza, nous la passerons en famille.
Nous ne regrettons pas d’être venu si haut pour profiter de cette belle nature environnante, de l’air pur, du calme (pas de TV et pas de muezzin !), des contacts avec les autres enfants, les conversations avec Jamila qui nous ont aidées à mieux comprendre le Maroc, les leçons de cuisine dont vous profiterez peut-être en Belgique,…
Nous restons juste avec un goût de trop peu par rapport à la compréhension du projet. C’est Rachid, que nous rencontrerons plus tard à Marrakech qui nous expliquera le projet de cette maison :
- la pré-scolarisation, la classe de maternelle, doit aider à réduire le décrochage scolaire dans cette région (les statistiques parlent de 300.000 enfants en décrochage au Maroc !). A Anza comme dans beaucoup d’autres villages, les enfants ne parlent que berbère et sont enseignés en arabe…
- l’alphabétisation des jeunes filles (56% d’analphabètes dans ces régions…),
- ouvrir le village et lui apporter d’autres débouchés,
- aider certaines familles comme celle de Samira, qui a perdu son père et qui, comme sa mère, cherche à faire des petits boulots pour survivre,
- de tels projets ne sont pas financés par l’état actuellement, l’accueil dans maison est sensé apporter les ressources financières pour financer tout le projet (construction, instit, école),
- c’est aussi un peu le projet « personnel » d’Ahmed, élu local, d’amener quelque chose de positif dans son village natal,
- actuellement, une asbl belge aide ce projet : www.mabeldudesert.org
Si vous passez au Maroc, que vous n’avez pas peur de conditions rudimentaires (qui devraient s’améliorer), nous ne pouvons que vous conseiller de passer par ici !